J'aime être là où on ne m'attend pas et provoquer un peu.

Plus de deux ans après la sortie de son album Home, Malvina Meinier revient avec un nouveau clip et de nouveaux projets plein la tête pour 2018. Elle nous raconte tout ça autour d’un verre à la terrasse de l’Hôtel Amour.

  • La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c’était avant ton concert de mars 2015 à l’église Saint-Eustache. Que s’est-il passé depuis ?

  • Malvina

    L’album est sorti sur le label Midnight Special Records en 2015. J’ai fait quelques dates par la suite comme celles des Trois Baudets ou du Silencio.
    Je voulais principalement le jouer dans les églises, comme dans celle de Meymac en Corrèze avec un vrai organiste. C’est un peu ce que je vais refaire le 29 septembre à l’Église Saint-Bernard de la Chapelle.


  • Comment est-ce arrivé ?

  • Malvina

    Il y a quelques mois j’ai rencontré le manager d’Ableton France. J’ai pu faire une conférence sur la production musicale au centre musical FGO-Barbara, lors d’un Ableton User Group. J’ai eu l’impression de me retrouver avec des gens qui me comprenaient alors que j’avais l’habitude d’être le vilain petit canard. Je me suis rapprochée de ces équipes là. Le centre m’a conseillé de contacter la personne qui s’occupe de la programmation de l’église Saint-Bernard. De fil en aiguille, j’ai pu programmer cette date de fin septembre.


  • Que vas-tu jouer ?

  • Malvina

    On va quasiment jouer l’intégralité de l’album Home, sauf les plus technos qui passeraient moins bien en église. Christophe Guida va jouer sur l’orgue de l’église. J’ai également eu la chance de rencontrer un chef de chœur, Félix Benati, qui va engager un chœur mixte de 16 choristes. Igor Ramonatxo sera encore aux machines.
    Je suis restée sur ma faim à Saint-Eustache. Les morceaux ne me paraissaient pas assez rodés. J’ai eu envie de faire un gros concert en église, comme à Saint-Eustache, mais en étant plus fière de moi.
    Il va y avoir une mise en scène spéciale. Je vais encore porter une tenue extraordinaire.


  • Tu as l’air moins ”control freak”. Tu délégues beaucoup plus ?

  • Malvina

    Le fait de déléguer à mon groupe et aux membres de mon nouveau label me permet de souffler. Je peux me concentrer juste sur ce que je dois faire : écrire les partitions, les envoyer et gérer les répétitions.


  • Tu peux me parler de ton nouveau label Gentil Records ?

  • Malvina

    Igor (Ramonatxo) m’accompagne depuis déjà 3 ans sur mes concerts. Igor connaît Louise (Lhermitte) qui a son projet solo et qui est également altiste dans le projet de Florian (Bertonnier) intitulé Refuge. Refuge cherchait une personne pour s’occuper des machines. Louise a pensé à Igor, qui a fini par travailler sur ce projet. J’ai ainsi pu rencontrer Florian. De là est née une amitié/fusion entre nous 4.
    Pendant un an, on s’est entraidés, l’un bossant pour le projet d’un autre. Nous nous sommes dits qu’on pouvait rendre tout ça plus officiel en montant une structure pour s’entraider mais aider aussi les artistes qu’on aime.
    Une compilation nous paraissait une bonne idée pour une première sortie. On avait chacun déjà des titres à disposition.


  • C’est avec cette compilation que vous avez fait une tournée estivale ?

  • Malvina

    Oui. On a fait 12 dates en France en commençant par Paris et en passant par Tours, Dijon, Besançon, Montpellier, Marseille, Toulouse, Bordeaux, etc.
    L’idée était de faire une tournée des disquaires indépendants de France pour apporter notre soutien. C’est tout aussi compliqué de nos jours d’être un petit disquaire qu’un petit label.
    La tournée a duré de mi-juillet à mi-août.


  • Quel a été l’accueil du public lors de la tournée ?

  • Malvina

    Franchement, ça a été super !
    En fait, cette histoire débute avec La Passerelle.2, disquaire indépendant, tenu par Daniel Zanzara qui vend mes disques. On a voulu faire un showcase chez ce disquaire, chacun de nous 4 jouant 3 morceaux de nos projets respectifs. On a fait une formule assez cool où on s’aidait les uns les autres pendant qu’on jouait. Ça a super bien marché. On a rejoué cette formule d’1h30 sur une tournée.
    On a fait de super rencontres : on a été dans des lieux incroyables avec des gens incroyables. On a 2000 histoires à raconter mais ça serait trop long !


  • Après le clip de Waverer, tu as sorti le clip de Sound of Sun, avec beaucoup moins de production. Pourquoi ?

  • Malvina

    C’était la période où je me suis retrouvée sans label. Je ne me sentais pas à l’aise pour retrouver des financements participatifs pour un nouveau clip. J’ai donc fait un clip à mon niveau, en m’amusant avec mes amis et une licorne !
    Je voulais aussi montrer cette partie de moi qui n’est pas forcément créature mais qui boit des cocktails comme tout le monde !


  • Tu as sorti un troisième clip pour le morceau Constellation. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

  • Malvina

    Ce clip est né d’une rencontre avec Amaury Grisel que j’ai rencontré par ma costumière. Il est une figure importante du shibari français. Le shibari, c’est le bondage japonais. J’étais fascinée par son travail qui m’était totalement étranger. J’ai été initiée par des rencontres, des performances. Au bout d’un moment, il m’a proposé de faire un clip où il m’attache. J’ai répondu “Oui bien sûr, avec plaisir !”. Il m’a alors attaché une première fois pour que je me rende compte ce que ce ça fait.
    C’est très physique. C’est presque de la méditation. Il attache au niveau de la poitrine. Comme c’est très serré, on ne peut quasiment plus respirer. Il faut alors se calmer et respirer par le ventre.
    Mais Amaury te met vraiment en confiance. Il est très doux et très attentionné car c’est une expérience qui peut être très choquante pour le corps.


  • Tu as toujours eu un rapport particulier avec ton corps que ce soit dans les tenues, dans le maquillage ou dans tes performances. D’où cela provient-il ?

  • Malvina

    Je n’ai pas envie de me voir comme une personne sur scène. J’ai envie de me voir comme une sorte de créature. Comme ma musique raconte des histoires un peu oniriques, j’ai envie de l’accompagner de visuels pour qu’on voyage entièrement : aussi bien au niveau du son que de l’image. Ça se retrouve aussi dans mes clips.
    Pour en revenir au clip, quand Amaury m’a montré toutes ces cordes qui formaient une toile, je ne voyais qu’une constellation de cordes, d’où le morceau choisi pour accompagner ce visuel. Et puis chaque morceau de l’album Home a une double lecture. Au niveau sonore on est dans un voyage dans l’espace. Mais je mets en relation chaque phénomène physique avec une émotion humaine. Pour Constellation, la musique fait visualiser des constellations d’étoiles que je mets en contradiction avec l’angoisse de l’infini et cette sensation d’étouffement, que l’on retrouve dans le shibari.
    On a d’ailleurs fait 2 tableaux dans le clip de Constellation : le tableau noir avec une créature qui voyage dans les étoiles et le tableau blanc où je suis suspendue dans le néant.


  • Tu as également un rapport particulier à la technologie. Tu aimes l’intégrer dans ta musique ?

  • Malvina

    C’est quasiment primordial. J’ai envie de penser la musique de manière très actuelle. Je suis fascinée par le fait de mélanger ce que j’ai pu apprendre au conservatoire aux nouvelles technologies. J’ai été très frustrée au conservatoire : on ne fait aucune analyse du timbre. On t’apprend énormément de choses sur l’écriture, l’arrangement, l’orchestration. Mais on ne te pousse pas à faire des recherches sonores. Ça m’a manqué et j’aime continuer à le faire.
    Je travaille beaucoup sur la création musicale en ce moment et ça me plait beaucoup de chercher mes petits sons, de les travailler et d’écrire grâce à ça. C’est assez fascinant.


  • Comment es-tu passée des règles du conservatoire à une totale liberté dans ta création artistique ?

  • Malvina

    Je me rappelle qu’en cours d’écriture, il y avait des règles à appliquer à la lettre. Parmi ces règles, l’une disait qu’on ne pouvait pas faire de quintes parallèles. Je me suis demandée pourquoi on ne pouvait pas le faire alors que je trouvais ça très beau. Du coup, sur Home, j’ai voulu mettre des quintes parallèles partout.
    J’ai trouvé ça très chouette de détourner toutes ces règles. Au moins, j’ai conscience de ce que je fais : je sais quand j’enfreins une règle et je sais pourquoi. C’est assez jouissif. Et il y a un côté de moi, qui vient de mon papa, qui veut choquer. J’aime être là où on ne m’attend pas et provoquer un peu.


  • Quels sont tes projets pour la suite ?

  • Malvina

    J’ai presque terminé d’écrire mon troisième album, en particulier l’écriture et la création musicale. Il me reste encore l’enregistrement des voix et le travail de production.


  • Y aura-t-il des collaborations ?

  • Malvina

    Peut-être. C’est en cours de discussion.


  • De quoi va parler ce troisième album ?

  • Malvina

    C’est une étude sur le corps humain.


  • Encore un sujet au rapport au corps !

  • Malvina

    En fait, après avoir voyagé sur Home, je reviens sur Terre et sur l’Humain. Je suis complètement amoureuse de John Tavener, qui est décédée il y a peu de temps et qui écrivait de la musique pour chœur. J’ai aussi beaucoup écouté Arvo Pärt qui fait de la musique orchestrale absolument sublime. Du coup, j’ai eu envie de revenir à de la musique spirituelle avec un chœur.
    Et bien sûr, mon petit côté malsain a mélangé tout ça avec… De la techno !
    Cet album va être en 2 parties complètement différentes. Il y aura 5 morceaux sur le corps physique avec une approche très médicinale. Il y a, par exemple, un morceau qui commence par une naissance et toutes les rythmiques sont basées sur le son d’une échographie. Il y aura une deuxième partie sur le corps spirituel où intervient un mélange de chœur mixte et de techno.
    À chaque fois que je commence un nouvel album, j’ai l’impression de découvrir de nouvelles facettes de ma personnalité.


  • Tu es toujours en perpétuelle recherche de nouveautés ?

  • Malvina

    J’ai très peur de me répéter. Si je montre une partie de moi, ça veut dire que je l’ai entièrement explorée.


  • En attendant une éventuelle sortie de cet album en 2018, tu fais quoi ?

  • Malvina

    Je suis toujours à la recherche d’un label. J’ai envoyé quelques maquettes pour voir ce que ça donne.
    J’essaie de voir si je peux jouer au Redbull Music Academy à Berlin l’année prochaine, mais ça a l’air compliqué.
    Après le concert de fin de septembre, on va parler de la suite du label avec certainement une autre compilation.
    Un quatrième clip va se préparer pour le prochain album. J’aimerais qu’il y ait 2 morceaux en un clip : un morceau du corps physique et un morceau du corps spirituel.


  • Ça t’inquiète ne pas trouver de label ?

  • Malvina

    Pas tant que ça. Je cherche surtout les bonnes personnes pour bien me conseiller et bien avancer. Je suis encore en pleine démarche.


  • En tant qu’artiste française, tu arrives à te classifier dans la musique actuelle ?

  • Malvina

    J’ai eu de longues discussions avec des amis sur les styles musicaux. Je trouve qu’il y a une vraie barrière dans le langage. Le vocabulaire pour parler d’un son ou d’une musique est assez pauvre. Il y a toujours cette recherche de mettre un style sur une musique. Ce n’est pas forcément mauvais pour aider l’auditeur à trouver de nouveaux morceaux.
    Il y a plein d’artistes comme moi qui mélangent plein de genres, et qui font une musique totalement hybride.
    La plupart du temps, je dis aux gens d’écouter ce que je fais. J’ai envie d’adresser ma musique à plein de gens. J’ai cette envie de penser que tout le monde peut tout apprécier. J’ai envie d’évoquer des images, qui peuvent donc parler à tout le monde.


  • Interview réalisée le 06/09/2017.
  • Remerciements : Malvina